vendredi 8 février 2008

RITUEL DU HAMMAM- BAIN MAURE, BAIN TURC..

Cette photo a été prise par notre ami Mourad Jemaâ qui l' a réalisée pour notre famille car ce hammam , anciennement Hammème El Jrèbè, était celui que nous fréquentions.
Nous le remercions chaleureusement d'avoir ravivé nos souvenirs.

Le hammam, bain maure est l'endroit où tous nous nous rendions pour nous laver et nous délasser. A l'époque les salles de bains étaient plus que rares, et en dehors de se débarbouiller à l'eau froide, nous avions ce bain rituel pour faire une véritable toilette. Tous les voisins et voisines se réunissaient une fois par semaine pour aller ensemble se détendre et se laver mutuellement (se frotter le dos surtout) au hammam. Les mamans dont certaines par pudeur se voilaient pour s'y rendre préparaient le baluchon (sarr) contenant les vêtements propres, les serviettes de toilette, le"bechkir", (grande serviette pour s'enrouler dedans à la sortie de la chambre chaude) la tasse pour puiser l'eau, le pot contenant le "tfal" argile parfumée à la "otria"eau de fleurs de géranium rosa qui servait à se laver les cheveux et le corps), la "kessè" gant pour oter les peaux mortes et la"crasse!", le "souak"(écorce d'arbre) pour mettre sur les dents et gencives afin de les nettoyer(dentifrice de l'époque), la "feléya", peigne fin à se passer obligatoirement pour rincer le "tfal" des cheveux, et parfois du "dheb" préparation à base de chaux vive pour s'épiler .Elles n'oubliaient jamais les oranges ou les fameux citrons doux, bergamottes, pour se désaltérer après le bain et les foulards pour se couvrir les cheveux (mouillés ,pas de séchoir non plus ...).
La propriétaire du bain trônait sur la "dokana" qui lui était réservée, une caisse devant elle pour les encaissements, , quelques bouteilles de cidre du golfe de Meddeb, boisson unique en Tunisie au goût particulier et inoubliable, du souak et des kessés qu'elle vendait à celles qui oubliaient de les apporter avec elles.
Les femmes, les jeunes filles , les fillettes et les jeunes garçons (parfois jusqu'à l'âge de 10 ans) tous ensemble montaient sur les différentes "dokanas"pour se déshabiller entièrement, poser les vêtements sales dans le baluchon, chausser les sabots de bois "kobkab" et se saisir de la késsé pour cacher sa nudité ou garder son slip.Et tous rentraient en piaillant dans le bain où l'on ne se voyait presque pas tellement les vapeurs dégagées par les fours extérieurs à bois obstruaient l'atmosphère(le Katousse). Et le "teftile" commençait et c'était à qui faisait sortir de sa peau le plus de "ftouls" à force de frotter en trempant la kessé dans l'eau et l'essorant. Après un rinçage dans la "matrha", petite chambre individuelle équipée d'une sorte de lavabo au sol avec deux robinets (eaux chaude et froide) et d'un tabouret bas en pierre de forme ronde ; on se lance dans le lavage des cheveux, alors eau et Tfal font mousser et on lave, relave, tourne les cheveux de tous les côtés. Après un long moment ,la personne la plus ancienne sent les cheveux pour vérifier qu'ils sont bien néttoyés. Vient alors la corvée du peigne fin que l'on passe pendant qu'une autre personne verse de l'eau sur la tête...
La "harzè" femme désignée pour aider les personnes à se laver, vêtue d'un slip ,les seins ballotants, le visage rougi par la chaleur , passe d'un dos à l'autre, de cheveux en cheveux, et elle finit une fois que la personne est totalement lavée et rincée abondamment, par aller lui chercher le"bechkir" et la serviette pour les cheveux, les sabots qu'elle rincera avant que la personne ne monte sur la dokana.
Les dames s'asseyent et s'étalent sur la natte qui est posée, elles s'allongent pour se reposer, boivent une bouteille de cidre, épluchent et partagent les oranges, et devant tout ce monde s'essuient le corps et s'habillent. Le foulard noué au dessus de la tête, le visage bouffi par la chaleur, le corps affalé, elles habillent les enfants aidées de leurs filles aînées. Les éffluves de tfal de géranium se mélangent à celles des bergamottes. Il règne une odeur moite mais particulière, unique. On entend toutes les secondes "Saha" "yatik el saha" "yaïchek".
Quels souvenirs heureux de moments de délassement, de bonheur , de joies partagées, de rires surtout ceux des jeunes garçons qui se marraient en voyant toutes ces fesses et seins dénudées..
Souvent ce rite pour les juives tunisiennes étaient réservé au vendredi avant chabbat.
Certains bains maures étaient équipés d'un "Mikvé" bassin relié à une source d'eau froide, la religion juive voulant que pour les cérémonies religieuses de certaines festivités, l'élu (bar mitzva, mariés...) prennent ce bain pour se purifier. La femme mariée doit après les menstruations aller faire un "mikvé"...
Qui ne se souvient du "hammam el syoudé" à Tunis, "Hammam el kouch , hammam Najjar , hammam el bhayere et hamman el jrèbè "à Nabeul??
A présent les bains maures, hammams ont été restaurés mais l'agencement et le rituel
demeurent et c'est toujours une merveilleuse détente et une purification agréable.


8 commentaires:

Michelle - Artiste Peintre a dit…

Merveilleux moment que tu nous offres Tantine!
J'ai l'image dans la tête... Et le souvenir de la volupté qui régnait au
Hammème El Jrèbè.
Tu as parfaitement décrit le délice de ces soins sur nos corps...Et l'apothéose finale dans la salle de repos avec la bouteille de gazouza...
Bravo...!

Anonyme a dit…

merci Michelle, il faut que mes messages atteignent la cible, réveiller, faire vivre et perdurer la mémoire. Ce sont les odeurs, les saveurs, les mots qui restent. Tu te souviens quand on te lavait les cheveux avec le tfal et que petite tu hulais car , les femmes s'ingéniaient à gratter au maximum le cuir chevelu avec leurs ongles!!!
Tu as oublié, il ne te reste que le souvenir de la peau du corps qui était douce douce!

Breitou a dit…

Tata Ichtir,

Je me souviens de certains midis de samedis appétissants.

Maman, nous apportait,une tfina harissa avec qouqle et tout et tout. Toute chaude.

Après la chrana et le 'tayab' 'ou harez', on se régalait, assis et couverts par nos 'fouttas' de ces agapes culinaires.

Et comme, nous ,n'étions pas les seuls allongès dans la chambre 'froide'sur les 'hssirats', souvent des amis goutaient à nos plats.

Il faut dire que maman cuisinait large.

Un kif.

Anonyme a dit…

bonjour

très beau site.j'y retrouve beaucoupde souvenirs personnels notamment pour le bain maure.j'allais av. de Londres à Tunis.tout est bien décrit: il n'y a rien à ajouter..

Anonyme a dit…


étant native de tunisie et toute nouvelle internaute je tombe sur votre blogg en cherchant la recette des pains frits.que de souvenirs merveilleux resurgissent à ma mémoire!au travers de toutes ces
recettes et ces commentaires,un vrai voyage pour moi.merci mes amies pour tant de générosité; pourqoi n'y a-t-il pas d'autres recettes et commentaires aprés 2008

CUISINETRADITIONTUNES a dit…

Chère anonyme,
je vous remercie pour votre commentaire. Le blog continue après 2008 jusqu'en 2012, je l'ai arrêté depuis ,car il a suscité un intérêt tel que j'en ai fait un livre plus consistant certes qui sortira courant 2013.
Pour accéder à toutes les recettes cliquez sur:
www.cuisinetraditiontunes.blogspot.com

Unknown a dit…

bjr
j'arrive un peu en retard
C très beau ce qui é écrit
je tiens a vous félicité
sinon je voulais savoir ou se trouve ce hammam ? a la médina de Tunis ?? ou ailleurs??
merci beaucoup ...
et bonne continuation

CUISINETRADITIONTUNES a dit…

CE BAIN SE TROUVE A NABEUL
Il est situé en face de l'emplacement de l'ancienne prison , sur le prolongement de la rue de la grande mosquée de nabeul, celle qui mène à bab salah.